Bulletin des Amis du Vieil Arles (AVA) n°172 / septembre 2017
Ce dernier Bulletin des Amis du Vieil Arles offre une livraison dont la portée historique dépasse la seule ville d'Arles. Un premier texte évoque la rénovation en cours du Museon Arlaten, fondé par Frédéric Mistral comme réceptacle et lieu de mémoire des traditions provençales. Il sera rendu de nouveau accessible au public au terme de travaux importants en 2019.
Deux articles méritent ensuite de retenir notre attention. Le premier aborde la découverte opportune du portrait présumé du premier maire d'Arles, Pierre-Antoine Antonelle (1747-1817) à l'occasion du bicentenaire de sa mort. Le second analyse la situation problématique du clergé arlésien pendant la Révolution et le Consulat.
Christophe Gonzalez, dans un court texte, présente le portrait supposé du premier maire d'Arles avec une prudente argumentation, qui montre la part d'incertitude quant à l'identification possible de l'homme représenté. Le personnage d'Antonelle est intéressant dans sa dimension à la fois locale et nationale. Maire d'Arles, puis député des Bouches-du Rhône à l'Assemblée législative, révolutionnaire exalté, particulièrement vindicatif sous la Terreur, il préside le jury du tribunal révolutionnaire qui condamne à mort les Girondins. Plus tard, il se ralliera à la Restauration par haine de l'Empire. Dans son éditorial, le président des A.V.A. Vincent Ramon présente son action en tant que premier magistrat acquis aux idées de la Révolution : « Ses idées et son engagement politique donneront à la Ière République ses fondements dont le concept de démocratie représentative ».
Dans un article copieux et bien documenté, Michel Baudat analyse un autre aspect de la vie arlésienne sous la mandature d'Antonelle et de ses successeurs. Le titre explicite : « Le serment, l'exil, la mort : le clergé arlésien face aux dilemmes révolutionnaires » pose clairement les termes de la situation du clergé arlésien dans le « laboratoire politique » arlésien de ce temps. L'article solidement construit et argumenté comporte 3 parties : la première aborde la situation nationale qui remet en perspective la persécution religieuse encore accrue à l'échelon local, puis il dresse l'état du clergé arlésien, tableau à l'appui, à la veille de la Révolution. La deuxième partie – la plus intéressante de cette étude – envisage les « Attitudes du clergé arlésien devant les différents serments » dont le nombre et le contenu donnent le tournis. « Entre 1789 et 1802, pas moins de douze serments furent exigés des corps religieux, tant réguliers que séculiers », soit en moyenne un par an. Les serments les plus problématiques furent le serment à la Constitution civile du clergé (décembre 1790), le serment de haine à la royauté (septembre 1797), enfin les serments de fidélité à la Constitution de l'An VIII et au Concordat. Refuser de prêter serment conduisit certains prêtres à l'échafaud pendant la Terreur. D'autres durent partir en exil, le plus souvent en Italie. Prêter serment n'était pas toujours une garantie de survie. Plusieurs prêtres jureurs furent malgré tout emprisonnés comme contre-révolutionnaires et guillotinés. La troisième et dernière partie, « Rester fidèle à Rome, attitude et devenir du clergé insermenté » analyse, documents d'archives à l'appui, comment ce clergé s'efforce de « célébrer malgré tout », doit « s'exiler pour survivre » ou bien accepte de « subir le martyre ».
La conclusion de l'article dresse un bilan terrible de cette période tragique : « Dans sa grande majorité, et à l'image de son archevêque martyr, le bienheureux Du Lau, le clergé arlésien resta fidèle à Rome (…). Au sortir de la Révolution, le bilan pour Arles et son clergé fut catastrophique : l'archevêché d'Arles, qui était un des plus anciens de Gaule et constituait pour la ville un des derniers prestiges, est perdu (…) Le clergé séculier, déjà âgé avant la Révolution, ressortit exsangue de la période : 41 étaient morts (principalement en exil), 25 avaient apostasié, seuls 42 étaient en état de composer le clergé postrévolutionnaire.(...) Pour autant ce fut à ces survivants, qui restèrent fidèles à Rome, que la religion catholique dut de rester vivante dans le cœur des Arlésiens, ce qui permit le renouveau religieux du XIXe siècle. »
A noter : l'édition numérique du Bulletin complète l'édition papier par le tableau nominatif et le devenir de chaque membre du clergé d'Arles.
On retrouvera dans l'ouvrage conjoint de Michel Baudat et Claire-Lise Creissen, Les saints d'Arles, images de la sainteté en Provence, histoire et iconographie publié par Rencontre avec le Patrimoine religieux, en 2013, des pages suggestives concernant Mgr du Lau et ses vicaires généraux morts martyrs lors des massacres de Septembre 1792.