Les Dames de Vopillon, par Geneviève Préchac
Ce pourrait être le titre d'un roman provincial, relatant des scènes de la vie quotidienne du département du Gers. En fait, les Dames, dont il s'agit, sont les religieuses fontevristes du prieuré de Vopillon, sur l'actuelle commune de Beaumont.
Geneviève Préchac, présidente de l'Association Artiga, qui avait publié en 2010 un essai historique « Beaumont et Vopillon en Gascogne, deux villages, une commune », vient de faire paraître aux éditions Feuille à Feuilles, un très intéressant petit ouvrage qui retrace avec finesse et sensibilité la vie des « Dames de Vopillon », depuis la fondation du prieuré vers 1140 jusqu'à son extinction en 1792, quand la Révolution chassa les dernières religieuses et mis leurs biens à l'encan. L'auteur inscrit la fondation de cette maison fontevriste, puis son rayonnement dans le développement plus général de l'ordre de Fontevraud, dont elle rappelle les fondations réalisées jusqu'en Espagne.
Vopillon connut son apogée en 1290 avec une communauté forte de 56 religieuses. Les guerres de Religion en 1569 eurent un impact douloureux avec le pillage du prieuré par les huguenots emmenés par Gabriel de Montgomery. « Une religieuse est tuée et jetée dans le feu, trois autres battues et si fort maltraitées que deux en meurent. Vopillon a ses martyres ! Les autres, au nombre de dix-huit ou vingt s'enfuient jusqu'à Lectoure », nous dit Geneviève Préchac. Tout est à reconstruire.
Pour les XVIIe et XVIIIe siècles, l'auteur fait revivre cette communauté à partir de documents d'archives, qui permettent de connaître l'organisation de leur vie communautaire, le rythme de la journée ponctuée par les offices et le travail, leurs ressources modestes, et leur rayonnement comme maison d'éducation accueillant et formant des jeunes filles.
L'église des fontevristes de Vopillon assumait également les fonctions d'église paroissiale. La communauté et la paroisse étaient desservies par les frères de Saint Jean de l'Habit. Geneviève Préchac rappelle opportunément que ces frères venaient de Fontevraud, où conformément à la volonté expresse du fondateur, Robert d'Arbrissel, les religieux comme les religieuses dépendaient tous, également, de l'abbesse de Fontevraud, et lui devaient obéissance. Cette église, qui faillit disparaître complètement au XXe siècle, est un délicieux petit édifice roman, qui possède un remarquable ensemble de peintures murales des XIIIe-XIVe siècles, découvertes en 1966, objet de campagnes successives de restauration. L'effondrement de la voûte en 1827 avait mis en péril un édifice fragilisé. En 1962, l'abside s'effondra. Deux clichés montrent l'état du monument, dont la perte semblait imminente. Des travaux de restauration interviennent en catastrophe et aboutissent à l'inscription sur la liste supplémentaire des Monuments historiques en 1971. Il faudra attendre la création de l'association Artiga en 2003 pour que l'édifice fasse enfin l'objet d'une restauration et d'une réhabilitation, amplement justifiées. De nouveaux vitraux sont posés en 2013 (création de l'atelier Lépiney, à Gontrin) qui font entrer pleinement dans le XXIe siècle l'église des Dames de Vopillon.
« Ainsi, après avoir failli disparaître totalement dans la plus grande indifférence, ce joyau de Vopillon a-t-il pu retrouver depuis plus de soixante ans un peu de la force et des couleurs de sa jeunesse ». Cette restauration exemplaire, dont le livre de Geneviève Préchac rend un superbe témoignage, montre qu'une poignée de bénévoles, avec l'entêtement de la passion, peut soulever les montagnes de l'indifférence et relever les ruines pour remettre au jour la grâce de peintures du beau style gothique de France.
Les Dames de Vopillon eurent la même chance que les Dames de Longefont, dans l'Indre : leurs voix se sont tues, mais les pierres pour elles chantent leur jeunesse retrouvée.